24 october 1981
Estadio Anoeta,
San Sebastian
Referee E. Soriano Aladren
Le pays» Basque sent la poudre. Politiquement et footballistiquement. En première division espagnole, Athletic Bilbao et la Real Sociedad de San Sébastian représentent Euskadi, la « nation » basque. Glorieusement : le premier a joué en 1977 la finale de la Coupe U.E.F.A. La seconde lutte cette année pour le titre de champion contre un adversaire aux moyens incomparablement supérieurs : Sa Majesté le Real Madrid. Tout le monde s'en étonne, sauf les Basques qui ont tout programmé pour ça. San Sébastian.
Une sorte de Biarritz un peu vieillot à l'abri dans une petite baie. D'innombrables graffitis à la gloire de l'indépendance, des photos d'hommes politiques, des affiches souvent lacérées, ou recouvertes, des policiers en arme et en gilet pare-balles : tout indique une ville en proie à l'agitation et pourtant, comble du paradoxe, le promeneur peut flâner a loisir dans les rues sombres ou profiter d'un temps ensoleillé pour admirer l'aisance et l'élégance de quelques printa-niers surfeurs. Sur la plage, à marée basse, les gamins jouent, les adolescents fument en cachette entre deux shoots. La plage de San Sébastian, c'est quasiment le centre de formation des footballeurs de la Real Sociedad Futbol. On y reviendra. Fondé le 8 avril 1909, le club basque de San Sébastian s'est d'abord appelé... le «Club Cycliste»! Puis, le 7 septembre, Sociedad Foot-Ball. Puis l'année suivante, la Real Sociedad de Foot-Ball Club. Enfin, l'appellation Real Sociedad de Futbol (Société royale de Football) de San Sébastian était définitivement arrêtée en 1936. Depuis, on l'appelle familièrement « la » Real. « Le » Real, c'est le Real Madrid : le rival.
En trente-trois participations dans le championnat espagnol, la Real Sociedad n'a glané aucun titre. Au contraire, il fut un temps où on la surnommait « l'ascenseur », vous imaginez bien pourquoi : navette constante entre première et deuxième divisions. Il faut dire que San Sébastian est un club qui marche à l'économie, et à l'autonomie aussi.
Les joueurs de San Sébastian sont pratiquement tous originaires de la Gantera Guipuzcoana, la province basque. Les autres, les non-Basques, ont été recrutés... sur la fameuse plage de San Sébastian, observée quotidiennement par les recruteurs des minimes. A San Sébastian, on ne connaît pas la fièvre des transferts, ni l'inflation galopante, et encore moins le recours aux stars étrangères. Platini, par exemple, ne portera jamais le maillot ciel et blanc de la Real, ni Keegan. Ce qui n'empêche qu'on y trouve d'excellents joueurs. Depuis sa fondation, San Sébastian a déjà fourni une quarantaine d'internationaux. Jamais, peut-être, autant que maintenant : cinq. En commençant par le gardien Arconada, déjà une quinzaine de sélections dans l'équipe nationale, et en qui tous les Espagnols voient le successeur non seulement d'Iribar, Basque s'il en est, mais du légendaire Ricardo Zamora, le portier invincible des années trente. Devant lui, au poste d'arrière droit, Celayeta fait bonne garde, mais le revenant Camacho lui fait concurrence dans l'équipe d'Espagne. Deux sélections seulement pour le jeune Genaro. Mais c'est l'attaque qui scintille, à la Real. Zamora (Jésus) au milieu du terrain, prépare et organise. A vingt-cinq ans, Jésus a encore beaucoup d'avenir, d'autant que les numéros 10 espagnols ne se bousculent pas au portillon pour distribuer de bons ballons.
Des ballons, Satrustegui en demande beaucoup dans un match. A son poste d'avant-centre, il sait les convertir en buts. Comme le petit Lopez Ufarte. L'« étranger » de l'équipe puisque né au Maroc il y a vingt-deux ans de parents... espagnols (qui habitent aujourd'hui la France). Vif, rapide, technicien en diable, collectif en dieu, Lopez Ufarte a déjà joué sous le maillot espagnol à un poste d'ailier gauche où le Barcelonais Carrasco fait beaucoup parler de lui. Cinq internationaux, mais aussi bien d'autres excellents joueurs tel Alonzo, tel Diego, international espoir, tel Idigoras, tel Gajate, etc. Le tout forme une équipe jeune (vingt-cinq ans de moyenne d'âge), maniée non sans poigne par un entraîneur ex-joueur, Ormaetxea, qui base son succès sur une défense de fer où les parades d'Arconada font l'effet de banderilles, et compte sur la contre-attaque-estocade pour la mise à mort. Préparée physiquement par Boronat, qui s'est perfectionné l'hiver dernier à Liverpool et à Cologne, la Real Sociedad a tout pour jouer enfin les premiers rôles et remplir son petit stade-fétiche de trente mille supporters qui ne voient pas le football comme la guerre : ils savent applaudir les belles phases de jeu, d'où qu'elles viennent. Mais quand un but est marqué en faveur des Bleu et Blanc, explose alors un pétard comme un coup de canon ! Depuis quelques années, la Real ne cesse de progresser. Mais ce qui vaut à cette équipe mal connue son actuelle popularité, c'est sans conteste sa lutte avec le grand Real pour la première place en « liga » espagnole. Alternativement, « le » et « la » Real occupent le fauteuil du maître. Mais si le Real Madrid fonde son succès sur une attaque canon, la Real Sociedad s'appuie sur la défense, des arguments qui peuvent conduire à la fièvre des sommets européens ces représentants d'un peuple indomptable...
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