Si l'on devait ne conserver qu'une seule image de Franz Beckenbauer, le plus fameux footballeur allemand de l'histoire, ce serait sans doute celle d'un joueur meurtri dans sa chair, l'épaule coincée dans un bandage de fortune, qui serre les dents mais qui continue à rester sur le terrain. Cette image, le monde entier l'a vue lors de la demi-finale de la Coupe du monde 1970 qui opposait la RFA à l'équipe d'Italie. Ce jour-là, Beckenbauer, à la suite d'un choc, se brise la clavicule. Mais comme le sélectionneur a déjà procédé aux deux changements autorisés à l'époque, si le libero emblématique de la Mannschaft sort, il laissera ses coéquipiers jouer à 10. N'écoutant que son courage, oubliant la douleur violente, il reste sur le terrain et offre son corps comme un ultime rempart face aux assauts des attaquants italiens. Cet acte de bravoure n'empêchera pas la Squadra Azzura de se qualifier, mais la légende d'un homme que rien ne peut arrêter est née. Le Kaiser (l'Empereur), est entré à jamais dans l'histoire du football... Né dans le Munich dévasté de l'immédiat après-guerre, Franz Beckenbauer est un jeune supporter du Munich 1860, le club phare de l'époque. Mais un événement va l'empêcher de rejoindre cette équipe. Alors qu'il joue dans les équipes déjeunes du SC 1906 Munich, il affronte l'équipe de ses rêves dans un tournoi. Au cours du match, il est violemment frappé par un des joueurs de la formation adverse.
Ce jour-là, il décide d'abandonner définitivement le Munich 1860. Il signera donc au Bayern Munich qui se traîne alors dans les profondeurs du classement régional. À l'époque, le jeune Franz évolue au poste de milieu de terrain et va progresser en même temps que le club de sa vie. Au fil des saisons, avec ses amis Sepp Maier et Gerd Mûller, il va accompagner les montées successives du Bayern vers les sommets du football européen. En juin 1964, il est pour la première fois titularisé au sein de l'équipe première et inscrit ses premiers buts. Il faut dire que, durant cette saison, Beckenbauer, le meilleur libero de l'histoire du football, jouait ailier gauche! La saison suivante, il participe activement à la montée de son équipe en Bundesliga. Toute la RFA se prend de passion pour ce jeune joueur si talentueux et surtout si élégant balle au pied. Le 26 septembre 1965, à tout juste 20 ans, il est sélectionné en équipe nationale au poste de latéral gauche. Car Franz Beckenbauer peut jouer partout. Sa technique et son sens du jeu en font un footballeur complet. D'autant plus que son physique puissant et racé lui donne toute la lucidité pour faire systématiquement le bon choix. Quand il est sur le terrain, il met la main sur le match, replaçant ses coéquipiers et s'imposant très vite comme un véritable leader alors qu'il est encore très jeune. Durant la Coupe du monde 1966, organisée en Angleterre, il va évoluer au poste de milieu de terrain et s'affirmer comme un des meilleurs joueurs de la compétition. La Mannschaft échoue en finale face aux Anglais, mais Beckenbauer, avec ses 4 buts en 6 matchs est une vraie révélation. En 1967, «le Kaiser» remporte une Coupe des Coupes avec le Bayern Munich, le premier titre d'une longue série.
C'est à cette époque qu'il décide de quitter le milieu de terrain pour devenir libero, un poste qu'il va révolutionner. Doté d'un physique élancé, Beckenbauer avait une capacité pulmonaire relativement faible qui l'empêchait de courir trop longtemps au milieu de terrain. Il va donc choisir de se repositionner à ce poste qui réclame moins d'endurance. Avant lui, les libéras étaient réputés pour être les meilleurs «casseurs de jambes» du football. Avec «le Kaiser», tout va changer. Avec sa technique, son dribble et son sens du placement, il va s'affirmer comme le principal relanceur de son équipe. Il n'est plus seulement le dernier défenseur, il devient également le premier attaquant. Il arrive à la Coupe du monde de 1970 à ce poste, à la tête d'une équipe qui veut se venger de la défaite concédée lors de la finale de 1966. L'objectif sera rempli puisque la RFA élimine l'Angleterre en quarts de finale, grâce notamment à un but de Beckenbauer. Puis viendra le célèbre match contre l'Italie où le courage de Beckenbauer ne parviendra pas à sauver son équipe d'une nouvelle déconvenue. Mais un groupe est né. La Mannschaft donne rendez-vous à ses adversaires pour la prochaine Coupe du monde qui aura lieu chez elle...
Au début des années "soixante-dix, après la retraite progressive du roi Pelé, Beckenbauer s'affirme comme le meilleur joueur du monde. Durant cette période, il n'a qu'un seul rival: Johan Cruyff. Le Hollandais remporte sous le maillot mythique de l'Ajax Amsterdam les Coupes d'Europe des Club Champions en 1971, 1972 et 1973, mais le Bayern Munich va faire tomber les Néerlandais dès l'édition 1974. Cette année-là, Beckenbauer soulève le prestigieux trophée. Deux ans auparavant, il a également remporté le championnat d'Europe des Nations avec sa sélection nationale et a été sacré pour la première fois Ballon d'Or France Football. Lorsque débute la Coupe du monde 1974, on se demande bien qui, à part la Hollande de Cruyff, pourra battre cette flamboyante équipe de RFA, solide et talentueuse. Pourtant, la compétition démarre bien mal pour la Mannschaft qui s'incline face à l'ennemi juré de la RDA. On dit que les joueurs se détestent et que des querelles internes minent leur rendement. Le sélectionneur Helmut Schon est incapable de remettre les choses à plat et les observateurs commencent à se dire que la RFA va passer à la trappe. C'était sans compter sur le charisme de Franz Beckenbauer qui va décider de prendre les choses en main. Il s'adresse à ses coéquipiers et parvient à trouver les mots pour leur rappeler qu'il n'y a qu'une seule chose qui compte: la victoire. Chaque match est un combat, chaque rencontre est vécue par le groupe comme un match décisif et les Allemands parviennent, plus avec leurs tripes qu'avec leur talent, à se hisser en finale de la compétition.
En cette journée du 7 juillet 1974, ils vont devoir affronter les Pays-Bas de Johan Cruyff qui sont les grands favoris de ce match. Durant tout le tournoi, ils ont enchanté les amoureux du football du monde entier grâce à un football total, inventif et solide. Dès la première minute, le ton est donné puisque les Hollandais ouvrent la marque. On se dit alors que les fantasques Bataves vont outrageusement dominer le match. Mais les Allemands serrent les dents, défendent bec et ongles et parviennent à revenir au score puis à prendre l'avantage grâce à un but de Gerd Mûller. Franz Beckenbauer, l'ultime rempart de la RFA, est de tous les combats. Il harangue ses coéquipiers pour les pousser à défendre davantage et, contrairement à ses habitudes, ne montera en attaque que très rarement D'instinct, il sait que le match se gagnera en défense. Il sait qu'il doit bloquer les attaques des fougueux Hollandais et que, pour le spectacle, il faudra revenir un autre jour. Héroïques, les hommes de Beckenbauer repoussent tous les assauts et finissent par remporter le match. Franz Beckenbauer peut monter à la tribune officielle pour soulever le nouveau trophée suprême, devant ses supporters qui chavirent de bonheur. Après la Coupe du monde, il retrouve son club du Bayern avec qui il remporte trois Coupes d'Europe des Clubs Champions successives en 1974, 1975 et 1976. Avec l'équipe de la RFA, il échoue en finale du championnat d'Europe des Nattons 1976, lors d'une séance de tirs aux buts durant laquelle le Tchèque Panenka inscrira le penalty qui le rendra célèbre.
Même s'il remporte un nouveau Ballon d'Or France Football à la fin de l'année, « le Kaiser» sent que la fin de son règne approche et préfère arrêter sa carrière internationale après cette compétition. En 1977, cédant aux sirènes des financiers américains, il décide d'aller tenter sa chance au Cosmos de New York. Avec cette équipe, dans laquelle joueégalement Pelé, «le Kaiser» remportera trois titres de champion des États-Unis. Mais la compétition, la vraie, celle qui demande de se surpasser lui manque, et il revient en Allemagne en 1980 pour rejoindre le SV Hambourg. Avec cette formation, il gagnera une dernière Bundesliga en 1982 et repartira pour un dernier beau contrat à New York en i983, année où il stoppe définitivement sa carrière, à 38 ans. Mais lorsqu'on est «le Kaiser», on ne peut pas rester longtemps éloigné de son empire. Alors, dès l'année suivante, Beckenbauer devient sélectionneur de l'équipe de RFA. Ses talents de meneur d'hommes conviennent parfaitement à ce poste et l'ancien capitaine fait grandir une génération dorée qui perdra en finale de la Coupe du monde 1986 mais qui la remportera en 1990, en prenant sa revanche sur l'Argentine de Maradona. Le 8 juillet 1990, dans le stade olympique de Rome, Franz Beckenbauer entre de nouveau dans la légende en étant le deuxième homme (après le Brésilien Mario Zagallo) à remporter la Coupe du monde à la fois comme joueur et comme entraîneur. Auréolé de gloire, il quitte la sélection, comme toujours au sommet.
En septembre 1990, il est recruté par l'Olympique de Marseille. L'homme d'affaires Bernard Tapie, le président du club phocéen, a sorti son carnet de chèques pour recruter celui qui est alors considéré comme le meilleur technicien du monde. Mais la rigueur toute germanique de Beckenbauer n'est pas faite pour la passion et les excès de Marseille et de son tonitruant dirigeant. Très vite isolé à l'OM, «le Kaiser» est piteusement remplacé en 1991 par le Belge Raymond Goethals. Franz Beckenbauer retrouve son équipe fétiche du Bayern Munich avec qui il remporte le titre de champion en 1993 et la Coupe UEFA en 1996. Il devient par la suite président de son équipe fétiche. Il s'impose comme un gestionnaire rigoureux, tenace, qui n'hésite pas à recadrer les joueurs qui, selon lui, ne respectent pas le maillot. Il prend également la tète de l'organisation de la Coupe du monde 2006 en Allemagne. La fête sera réussie et Franz Beckenbauer, toujours aussi ambitieux, décide de se présenter à l'élection à la présidence de l'UEFA. Ce sera son seul échec puisqu'il sera battu par Michel Platini. Il saura se retirer à temps de la compétition et éviter une défaite trop cuisante. Toujours à la tète du Bayern Munich, « le Kaiser» est au centre de la tribune présidentielle de l'Allianz Arena. Du haut de son trône, il a toute ia hauteur pour dominer le terrain et y pousser ses pions. Comme il l'a toujours fait...
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21. April 2006
1983, 100 Minutes
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