Un grand club, la Juventus de Turin. Un grand joueur Paolo Rossi. Tout cela aurait dû nous donner une histoire exemplaire, comme le football nous en offre parfois. Un mariage bardé de titres, d'honneurs, de gloire. Une légende que l'on aurait racontée plus tard à l'envi, en s'en remémorant les hauts faits, les moments épiques et délicieux. Mais les caprices du destin en ont voulu autrement. Le conte de fées a tourné court. Il s'est transformé en un des plus beaux exemples de gâchis que l'on puisse recenser dans le football de l'époque moderne. Entre la Juventus et Rossi, tout a commencé en 1972. Paolo a alors seize ans. Né à Florence, son amour du football s'est nourri aux exploits de la Fiorentina, qu'il allait voir jouer avec son père. A dix ans, il a chaussé ses premiers souliers à crampons à Prato, un club de la banlieue de Florence. Deux ans plus tard, il signe à Catholica Virtus. C'est là que les émissaires de la Juve, alertés par un dirigeant du cru, vont découvrir ce gamin racé, rapide, à la technique d'une rare pureté et au jeu plein d'imagination et de fantaisie. A seize ans, Paolo débarque donc à Turin. La grande cité industrielle du Nord de l'Italie n'a pas le charme de sa ville natale. Mais la Juve est championne d'Italie. Jusqu'à dix-neuf ans, il va parfaire sa formation à l'ombre des Causio, Bettega, Altafini, Zoff et autres Anastasi. C'est alors que la malchance va frapper pour la première fois. Successivement, Rossi subit trois opérations des ménisques. Auxquelles vient s'ajouter une fracture du poignet.
Trop fragile, estiment les dirigeants de la Juve. Excellent joueur, mais trop fragile. Il ne tiendra jamais dans l'enfer de la série A. A Côme, où il est prêté en 1975, Paolo ne jouera que six matches de série B. Retour à l'envoyeur. Mais la Juve n'a aucune raison de croire plus en lui qu'un an avant. Rossi, pour la deuxième fois, plie donc son baluchon : il est cédé en copropriété à Vicenza, dont le président, Farina, décide de lui faire confiance. Il ne le regrettera pas. Rossi, que la malchance semble abandonner, éclate enfin. Il devient le meilleur buteur de la série B (seize buts) et permet à Vicenza de rejoindre l'élite de la série A ! A Turin, les dirigeants de la Fiat, qui sont aussi ceux de la Juve, s'arrachent les cheveux. Agnelli, le grand patron, veut récupérer la star qui est en train de naître. Mais Farina n'est pas tombé de la dernière pluie. « Pour racheter Rossi, déclare-t-il, il faudra débourser cinq milliards de lires » (2,5 milliards de centimes). Estimation volontairement abusive. Agnelli ne s'y risque pas. Farina lui paye un dédit équivalent à la moitié de la somme et devient donc le seul « propriétaire » de Rossi. Lequel, dans toutes ces transactions, n'a pas eu son mot à dire ! En 1978, il poursuit sa marche en avant. Il est sacré meilleur buteur de série A avec vingt-quatre réussites. Dans les dix dernières années, seuls Boninsegna (1971) et Chinaglia (1974) ont réussi à égaler ce record. C'est la consécration. Bearzot appelle Rossi pour le Mundial en Argentine. Il remplace Graziani et émerveille le monde du football.
A vingt-deux ans, il es» maintenant considéré comme le meilleur footballeur du pays. Bientôt, il re-j joint tous les ténors transalpins au hit-parade des opét rations publicitaires. Mais en 1979, après les délices du Mundial et un but mémorable contre la France, Ross marque le pas. I1 laisse la couronne des buteurs à Giordano (Lazio) et Vicenza retourne en série B. Dés lors, les propositions affluent sur le bureau de Farina. L'Inter, Milan, Rome, la Fiorentina et, bien sûr, l'inévitable Juventus, tous les grands clubs italiens sont sur les rangs. Mais Farina ae baisse pas son prix. Il prend même du plaisir, à la surprise générale, à prêter Paolo Rossi à Pérouse. Comme si chez nous, Platini avait signé à Laval ou Metz! Là encore, l'idole du football italien n'a pas eu voix au chapitre. A vingt-trois ans, il en est à son quatrième club pro. On se le prête, on se l'échange, on se le vend comme une vulgaire marchandise. Il n'a rien d'autre à faire que prendre son mal en patience. Après tout, en 1979, Pérouse a réalisé « il miracolo dell'imbattibilità ». Pas une seule défaite! Le club du président d'Attoma a terminé deuxième, et est donc qualifié pour la Coupe U.E.F.A. Hélas, pour Rossi, cette saison 1979-1980 va être celle du désespoir. Celle où tout va s'écrouler. Pérouse est éliminé lors du second tour de la Coupe U.E.F.A. En championnat, les résultats sont laborieux. En février 1980, enfin, éclate le scandale du « Toto-nero ». Plusieurs matches du championnat italien ont été truqués. A quelques mois du championnat d'Europe des Nations qu'elle accueille, la Fédération italienne ne peut donner dans la demi-mesure. Il faut laver le linge sale. C'est la purge. Colombo, le président de Milan, Albertosi, Giordano, les têtes tombent. Rossi, croit-on d'abord, n'a pas trempé dans les magouilles. L'Italie respire. Mais cela n'étonne personne. Paolo gagne suffisamment d'argent pour ne pas se compromettre.
Mais quelques semaines plus tard, la « Guardia di Finanza », la police financière italienne, malmène la réputation d'intégrité du meilleur joueur italien. La Fédération le suspend pour trois ans, puis ramène la peine à deux années. L'Italie reste bouche bée. « Même lui? » Mais elle aura du mal à croire à sa culpabilité. Bien sûr, ses contrats publicitaires sont alors en chute libre. Mais sa popularité reste intacte. Toujours est-il que sa carrière est stoppée net. Pendant deux ans, Rossi va être privé de football. Pour lui, la terre s'arrête de tourner. Pendant deux ans, la vie doit cependant continuer. Alors Paolo Rossi se tourne vers d'autres activités. Avec le champion de ski italien Gustavo Thoeni, il lance une ligne de vêtement de sports. Avec Salvi, un ex-coéquipier de Vicenza, il monte une affaire immobilière. Dans les deux cas, la réussite est probante : sa cote d'estime n'a pas faibli. En sept ou huit occasions, il rechausse même les crampons, pour des matches officieux de bienfaisance, au profit de l'enfance inadaptée. Dans les coins les plus reculés du pays, les stades de campagnes sont pris d'assaut par ses fans : 7 à 8 000 spectateurs se régalent de ses exhibitions! Mais une fois terminés, ces moments de joie ne font qu'attiser ses regrets. L'impatience, le doute et la rage tourbillonnent dans son esprit. Heureusement, Simonetta est là pour lui remonter le moral. Il l'a rencontrée à Vicenza. Elle travaillait pour une marque de vêtements, celle-là même qui fournit Thoeni et Rossi aujourd'hui. Elle l'avait accompagné en Argentine en 1978. Paolo a profité de sa suspension prolongée pour l'épouser, l'an passé. Grâce à elle, il a pu tenir le coup et oublier un peu ses malheurs.
Cela n'a pas été toujours facile. Un jour, par exemple, Paolo éclate : « Mes juges sont des bourreaux. » Cela lui vaudra un prolongement de peine d'un mois. Puis ses censeurs réfléchissent. Rossi ne pourrait pas rejouer avant juin 1982. Or, juin 1982, c'est la Coupe du Monde. On commue donc la prolongation en une amende de cinq millions de lires, Bearzot res- ! pire... Le Mundial approchant, Rossi espère une amnistie. Mais si l'opinion publique la réclame, les clubs italiens se gardent bien d'en faire autant. Car entre-temps, au début de la saison 1981-1982, Rossi a de nouveau signé... à la Juventus de Turin ! Ainsi donc, la boucle est bouclée. Après cinq années gâchées, Paolo est de retour au bercail. Et Agnelli se frotte les mains. Le 2 mai, Rossi sera requalifié. Il jouera les trois derniers matches de championnat, qui seront peut-être décisifs pour l'attribution du titre. Ensuite, il disputera un match amical avec la sélection avant de partir pour le Mundial en Espagne. « Je suis un peu anxieux. Je vais devoir retrouver le rythme de la compétition et mes sensations en matches. Mais sur le plan physique, je ne me fais pas de souci. Je m'entraîne comme un forcené pour réussir ma rentrée. J'ai vingt-cinq ans, et encore beaucoup de temps devant moi pour rattraper les années perdues. Après deux ans d'abstinence, j'ai une envie furieuse de prouver vraiment qui je suis. » Pendant qu'il parle, Simonetta regarde son mari. Puis, elle sourit : « Lui est inquiet, mais moi j'ai confiance. Il a des tas de revanches à prendre. Je le sens tellement motivé qu'il ne peut pas échouer! » Un grand club : la Juve. Un grand joueur : Paolo Rossi. Après tout, il n'est pas trop tard. Cela fera peut-être un jour une histoire exemplaire, riche en titres et en gloire. Si les dieux du football se décident enfin à épargner celui dont Gigi Riva, monument du Calcio, disait un jour : « Il est plus fort que moi. Plus complet. Plus technique. Un jour, il sera le meilleur attaquant européen, et peut-être même mondial. » Il n'est jamais trop tard.
Trop fragile, estiment les dirigeants de la Juve. Excellent joueur, mais trop fragile. Il ne tiendra jamais dans l'enfer de la série A. A Côme, où il est prêté en 1975, Paolo ne jouera que six matches de série B. Retour à l'envoyeur. Mais la Juve n'a aucune raison de croire plus en lui qu'un an avant. Rossi, pour la deuxième fois, plie donc son baluchon : il est cédé en copropriété à Vicenza, dont le président, Farina, décide de lui faire confiance. Il ne le regrettera pas. Rossi, que la malchance semble abandonner, éclate enfin. Il devient le meilleur buteur de la série B (seize buts) et permet à Vicenza de rejoindre l'élite de la série A ! A Turin, les dirigeants de la Fiat, qui sont aussi ceux de la Juve, s'arrachent les cheveux. Agnelli, le grand patron, veut récupérer la star qui est en train de naître. Mais Farina n'est pas tombé de la dernière pluie. « Pour racheter Rossi, déclare-t-il, il faudra débourser cinq milliards de lires » (2,5 milliards de centimes). Estimation volontairement abusive. Agnelli ne s'y risque pas. Farina lui paye un dédit équivalent à la moitié de la somme et devient donc le seul « propriétaire » de Rossi. Lequel, dans toutes ces transactions, n'a pas eu son mot à dire ! En 1978, il poursuit sa marche en avant. Il est sacré meilleur buteur de série A avec vingt-quatre réussites. Dans les dix dernières années, seuls Boninsegna (1971) et Chinaglia (1974) ont réussi à égaler ce record. C'est la consécration. Bearzot appelle Rossi pour le Mundial en Argentine. Il remplace Graziani et émerveille le monde du football.
A vingt-deux ans, il es» maintenant considéré comme le meilleur footballeur du pays. Bientôt, il re-j joint tous les ténors transalpins au hit-parade des opét rations publicitaires. Mais en 1979, après les délices du Mundial et un but mémorable contre la France, Ross marque le pas. I1 laisse la couronne des buteurs à Giordano (Lazio) et Vicenza retourne en série B. Dés lors, les propositions affluent sur le bureau de Farina. L'Inter, Milan, Rome, la Fiorentina et, bien sûr, l'inévitable Juventus, tous les grands clubs italiens sont sur les rangs. Mais Farina ae baisse pas son prix. Il prend même du plaisir, à la surprise générale, à prêter Paolo Rossi à Pérouse. Comme si chez nous, Platini avait signé à Laval ou Metz! Là encore, l'idole du football italien n'a pas eu voix au chapitre. A vingt-trois ans, il en est à son quatrième club pro. On se le prête, on se l'échange, on se le vend comme une vulgaire marchandise. Il n'a rien d'autre à faire que prendre son mal en patience. Après tout, en 1979, Pérouse a réalisé « il miracolo dell'imbattibilità ». Pas une seule défaite! Le club du président d'Attoma a terminé deuxième, et est donc qualifié pour la Coupe U.E.F.A. Hélas, pour Rossi, cette saison 1979-1980 va être celle du désespoir. Celle où tout va s'écrouler. Pérouse est éliminé lors du second tour de la Coupe U.E.F.A. En championnat, les résultats sont laborieux. En février 1980, enfin, éclate le scandale du « Toto-nero ». Plusieurs matches du championnat italien ont été truqués. A quelques mois du championnat d'Europe des Nations qu'elle accueille, la Fédération italienne ne peut donner dans la demi-mesure. Il faut laver le linge sale. C'est la purge. Colombo, le président de Milan, Albertosi, Giordano, les têtes tombent. Rossi, croit-on d'abord, n'a pas trempé dans les magouilles. L'Italie respire. Mais cela n'étonne personne. Paolo gagne suffisamment d'argent pour ne pas se compromettre.
Mais quelques semaines plus tard, la « Guardia di Finanza », la police financière italienne, malmène la réputation d'intégrité du meilleur joueur italien. La Fédération le suspend pour trois ans, puis ramène la peine à deux années. L'Italie reste bouche bée. « Même lui? » Mais elle aura du mal à croire à sa culpabilité. Bien sûr, ses contrats publicitaires sont alors en chute libre. Mais sa popularité reste intacte. Toujours est-il que sa carrière est stoppée net. Pendant deux ans, Rossi va être privé de football. Pour lui, la terre s'arrête de tourner. Pendant deux ans, la vie doit cependant continuer. Alors Paolo Rossi se tourne vers d'autres activités. Avec le champion de ski italien Gustavo Thoeni, il lance une ligne de vêtement de sports. Avec Salvi, un ex-coéquipier de Vicenza, il monte une affaire immobilière. Dans les deux cas, la réussite est probante : sa cote d'estime n'a pas faibli. En sept ou huit occasions, il rechausse même les crampons, pour des matches officieux de bienfaisance, au profit de l'enfance inadaptée. Dans les coins les plus reculés du pays, les stades de campagnes sont pris d'assaut par ses fans : 7 à 8 000 spectateurs se régalent de ses exhibitions! Mais une fois terminés, ces moments de joie ne font qu'attiser ses regrets. L'impatience, le doute et la rage tourbillonnent dans son esprit. Heureusement, Simonetta est là pour lui remonter le moral. Il l'a rencontrée à Vicenza. Elle travaillait pour une marque de vêtements, celle-là même qui fournit Thoeni et Rossi aujourd'hui. Elle l'avait accompagné en Argentine en 1978. Paolo a profité de sa suspension prolongée pour l'épouser, l'an passé. Grâce à elle, il a pu tenir le coup et oublier un peu ses malheurs.
Cela n'a pas été toujours facile. Un jour, par exemple, Paolo éclate : « Mes juges sont des bourreaux. » Cela lui vaudra un prolongement de peine d'un mois. Puis ses censeurs réfléchissent. Rossi ne pourrait pas rejouer avant juin 1982. Or, juin 1982, c'est la Coupe du Monde. On commue donc la prolongation en une amende de cinq millions de lires, Bearzot res- ! pire... Le Mundial approchant, Rossi espère une amnistie. Mais si l'opinion publique la réclame, les clubs italiens se gardent bien d'en faire autant. Car entre-temps, au début de la saison 1981-1982, Rossi a de nouveau signé... à la Juventus de Turin ! Ainsi donc, la boucle est bouclée. Après cinq années gâchées, Paolo est de retour au bercail. Et Agnelli se frotte les mains. Le 2 mai, Rossi sera requalifié. Il jouera les trois derniers matches de championnat, qui seront peut-être décisifs pour l'attribution du titre. Ensuite, il disputera un match amical avec la sélection avant de partir pour le Mundial en Espagne. « Je suis un peu anxieux. Je vais devoir retrouver le rythme de la compétition et mes sensations en matches. Mais sur le plan physique, je ne me fais pas de souci. Je m'entraîne comme un forcené pour réussir ma rentrée. J'ai vingt-cinq ans, et encore beaucoup de temps devant moi pour rattraper les années perdues. Après deux ans d'abstinence, j'ai une envie furieuse de prouver vraiment qui je suis. » Pendant qu'il parle, Simonetta regarde son mari. Puis, elle sourit : « Lui est inquiet, mais moi j'ai confiance. Il a des tas de revanches à prendre. Je le sens tellement motivé qu'il ne peut pas échouer! » Un grand club : la Juve. Un grand joueur : Paolo Rossi. Après tout, il n'est pas trop tard. Cela fera peut-être un jour une histoire exemplaire, riche en titres et en gloire. Si les dieux du football se décident enfin à épargner celui dont Gigi Riva, monument du Calcio, disait un jour : « Il est plus fort que moi. Plus complet. Plus technique. Un jour, il sera le meilleur attaquant européen, et peut-être même mondial. » Il n'est jamais trop tard.
Part 1 Main Movie :
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Bonus 1 :
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Bonus 2 :
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Bonus 3 :
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