March 1978
Ce Bastia est plein de paradoxes. Quand il s'est qualifié contre Torino, il n'avait pas encore gagné un seul match de championnat de France a l'extérieur (il gagnera le premier, a Reims, en décembre). Il a été mene trois fois a la marque sur son terrain avant de vaincre. Il a joué ses trois matches-retour a l'extérieur, et les a gagnés. Il a bouleversé toutes les règles établies en marquant 8 buts a l'extérieur et 7 a domicile. Il a aligné a l'aile droite un champion finaliste de la Coupé du Monde (Rep), et a l'aile gauche un gamin qui prépare son baccalauréat (De Zerbi). Il a perdu Petrovic et gagné Weller ; perdu Félix et trouvé l'extraordinaire Krimau. Il lui manquait six titulaires a Turin mais son équipe a impressionné les Italiens par son jeu collectif et sa solidarité. Saint-Etienne ne voulait plus de Larios et Lacuesta, et les deux gaillards ont ressuscité sous le ciel bastiais. Alors, pour expliquer, on cherche, et on n'est pas loin de trouver le sorcier, lequel se défend bien sur d'en ètre un. Pierre Cahuzac a le physique de l'emploi. Une belle téle de boucanier burinée au couteau,, cuite par le soleil. Les anciens des années 50 se souviennent de lui comme d'un demi ardent au combat et humoriste a ses heures. Un jour qu'il venait d'essuyer sa chaussure sur la jambe d'Ujlaki et que celui-ci s'en plaignait, il lui avait répondu : « Tu n'as qu'à mettre des protège-tibias. »
Pierre Cahuzac, né a Saint-Pons, en bordure des Cévennes, est venu tard au football professionnel : a vingt-quatre ans. Mais il a joué deux fois en équipe de France, gagné la coupé avec Toulouse et, par un certain concours de circonstances, continue jusqu'à 44 ans, le temps de gagner 4 titres de champion de France amateur avec le Gazélec d'Ajaccio. Car la carrière corse de « Cahu » a commencé il y a maintenant dix-sept ans par une phrase désormais célèbre. Alors que certains joueurs ajacciens se cabraient sous l'autorité de ce « pinzuti » (fransquil-lon), Cahuzac leur avait dit droit dans les yeux : « Furia corse ou non, vous me paraissez tout juste bons a faire peur aux oiseaux. » Aujourd'hui, cet Occitan est plus corse que les Corses. Quand il veut dire quelque chose de particulier a Papi ou a Orlanducci, il commence par leur lancer : « Sta a sente impocu » (écoute un peu). Quand les invitations pour les matches arrivent du Groupement, il les déchire en disant : « Ils n'ont qu'à payer. » Et quand il quitte le stade de Furiani, c'est pour gagner un village du mème nom, là-haut, près des aigles et du ciel, loin des remous de la ville. Cahuzac passe pour un entraìneur dur alors qu'il est seulement un partisan de la discipline. « Sans discipline, pas question de progresser, dit-il. Ajax et le Bayern, c'était d'abord la discipline. » Un partisan aussi des méthodes éprouvées : « Je donnerai toujours une grande pari a la récupé-ration. Un entraìnement par jour, dur, mais limite a deux heures, me semble suffisant. J'ai 51 ans. J'ai joué jusqu'à 44 parce que je dormais 13 a 14 heures par nuit. Etre professionnel de football, c'est se soucier autant de son effort que de son repos. » Alors, Cahuzac méne son équipage de main de maitre, ramenant les inévitables incidents a leurs proportions dérisoires et donnant a chacun le sens de ses propres responsabilités.
Quand vient le quart de finale aller contre léna, le club est-allemand, il y a trois mois, dit-on, que Cahuzac n'a pas adressé la parole a Félix, son ex-capitaine. Il ne lui pardonne pas son accident de voiture et aussi de ne pas lui avoir téléphoné pour l'avertir le premier. Il le main-tient sur la touche au profit du jeune Krimau dont l'entente avec Rep est excellente et dont les progrès soni étonnants. Mais Johnny, suspendu par l'U.E.F.A., n'est pas sur le terrain pour accueillir Kurbju-weit et son équipe. Cahuzac a titularisé le gardien breton Hiard, transféré du Stade Rennais trois mois plus tòt, et rappelé Franceschetti qui a eu bien des malheurs jusque-là mais qui vient de faire une excellente rentrée en Coupé de France, a Strasbourg (3-0 pour Bastia). L'equipe est d'ailleurs la mème que celle déplacée en Alsace : Hiard Marchioni, Orlanducci. Guesdon, Cazes Lacuesta, Franceschetti, Papi Larios, Krimau, Mariot. Les Allemands, méfiants et parce que c'est leur habitude, s'appliquent d'entrée a exercer un marquage individue! strict sur leurs adversaires. Mais, dès la quatrième minute, un tir a bonne distance de Larios, sec comme un coup de fouet, met le Sporting sur orbite. Et a la 42e Papi porte le score a 2-0, donnant ainsi a Bastia un avantage substantiel.
On n'a pas pourtant encore rien vu, Mariot réussissant un extraordinaire troisième but sur coup frane, du pied gauche bien sur (57e) avant que l'Allemand Raab. excellent, ne réduise la marque à 3-1. Cahuzac devine-t-il que cette avance est insuffisante ? Sent-il une baisse de regime de ses attaquants ? Toujours est-il qu'il fait rentrer en mème temps sur le terrain (68e) « Fanfan » Félix et Jean-Marie De Zerbi aux lieux et places de Krimau et Mariot. Aussitót, le match s'accélère. Deux minutes après son arrivée, Félix marque. Huit minutes après, il recidive, sa joie faisant plaisir a voir. De 3-1, la marque est passée a 5-2, Raab ayant encore sévi. Il reste dix minutes a jouer, et l'equipe allemande ne sait plus très bien où elle est. Deux nouveaux buts portent la marque a 7-1 devant les téléspectateurs enthousiastes et éberlués. Les Corses eux-mèmes, dans leurs réves les plus fous, n'imaginaient pas leur équipe si grande et si belle. «Qu'est-ce qui fait gagner Bastia?» devient la question du moment, France-Football suggérant une timide réponse: « Bastia a gardé une fraìcheur. une verve, une générosité un peu paysannes que des clubs saisis par l'industrialisation ont un peu perdues. Il a profité de la progression generale de notre football, mais sans en payer la rancon... Ajoutez la chaleur de la terre et la communion populaire, et cette rencontre spontanee et historique du football et de la personnalité corse. Il est évi-dent que Bastia est un creuset où se fondent les talents, les caractères les plus ombrageux. Nul ne saurait resister a cette épreuve... »
First Leg
1 March 1978
Stade Furiani,
Stade Furiani,
Bastia
Attendance 12000
Referee : Mr Delcourt .
Attendance 12000
Referee : Mr Delcourt .
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Une volée de pétards avait accueilli le premier tour de reconnaissance du terrain des Allemands de l'Est qui regardaient d'un œil incrédule ces enceintes d'une autre époque, inquiets cependant du sort qu'avaient subi ici les : Sporting de Lisbonne, Newcastle et Torino. Les propos mesurés d'avant-match de l'entraîneur Hans Meyer étaient là pour en témoigner. Il redoutait le rajeunissement et donc l'inexpérience internationale de ce qu'il appelait son jardin d'enfants. Il aurait aussi souhaité la présence de sa vedette, Vogel, suspendu, pour calmer le jeu. Et lui qui envisageait, avant la rencontre, un possible match nul, reconnaissait, quatre vingt-dix minutes plus tard, la totale supériorité des Bleus de Bastia qui, exploit rarissime à ce stade de la compétition, avaient frappé par sept fois ses poulains.
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Dans les vestiaires, paradoxalement, les joueurs de Bastia considéraient que le onze de léna avait été l'adversaire le plus technique et le plus physique de ceux qu'ils avaient rencontrés cette saison en Coupe d'Europe. Larios, qui avait du sortir quelques minutes du jeu, montrait d'ailleurs à qui voulait les traces sur ses jambes de ses affrontements avec Noack puis avec Krause. Tous s'attendaient d'ailleurs à une réaction d'orgueil des hommes de Weise, au match retour qui auraient le cœur d'effacer l'affront de Furiani. Pratiquement assurés de leur qualification pour les demi-finales, c'était peut-être leur match le plus difficile qu'ils auraient à livrer dans quinze jours puisque cette fois-là, ce serait bien plus la manière que le résultat qui serait jugé. Mais ce que le commando corse avait pu réalisera Lisbonne, Newcastle et Turin, pourquoi ne le réussirait-il pas dans cette nouvelle bataille d'Iéna ?
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Quarter Final,
Second Leg Leg
15 March 1978
Ernst-Abbe-Sportfeld,
Jena
Attendance: 15,000
Ernst-Abbe-Sportfeld,
Jena
Attendance: 15,000
Avec cinq buts d'avance. Bastia est évidemment qualifié pour les demi-finales, mais Cahuzac ne veut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tue : « On ne sait jamais, dit-il, les Allemands vont attaquer d'entrée pour se venger. » Le 15 mars, léna attaque en effet, méne 1 -0, 2-1, 3-1 et met l'equipe corse dans ses petits souliers. Sur le banc de touche, Cahuzac se tortille, inquiet. Heureusement, Krimau marque un deuxième but (64e). après celui de Papi (26e). Les Allemands gagnent 4-2, mais sont éliminés. « Ils étaient physiquement plus forts que nous, constate Lacuesta. Nous ressentons actuellement le contrecoup d'un calendrier qui nous impose un match tous les trois jours. » Un peu plus loin Félix le remplapant remue des idées noires, cric a l'injustice : « Pas possible, dit-il. Il veut me tuer à petit feu.» Il, bien sur, c'est le boucanier occitan, le «Pinzuti». Cahuzac, avec son triomphe sur léna, ses sept victoires d'affilée seul Moenchengladbach a fait mieux dans l'histoire et toute sa réussite presente a enfilé un manteau d'hermine. Entre Napoléon et lui, on ne voit plus guère la différence.
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